Chaque année, dans les Arrondissements de Tcholliré et de Rey-bouba, environ des centaines de naissances ne sont pas déclarées. L’article 7 de la Convention des Nations Unies relatives aux droits de l’enfant stipule pourtant que « l’enfant est enregistré aussitôt à sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d’acquérir une nationalité (…) ».
Dans les villages des arrondissements de Tcholliré et de Rey-bouba, le pourcentage d’enfants non enregistrés atteint parfois 70% des nouveau-nés. Ces enfants anonymes sont très vulnérables à toutes sortes d’abus et ne peuvent pas bénéficier de leurs droits les plus fondamentaux, comme le droit à l’éducation.
Le non enregistrement des enfants à la naissance constitue un problème d’envergure régional. La partie Nord Cameroun est fortement touchée par le phénomène. Près d’un quart des enfants de moins de 18 ans n’ont pas d’acte de naissance. Les raisons de ce déficit sont liées en partie à la méconnaissance de la procédure, mais aussi à des problèmes structurels tels que les dysfonctionnements de l’administration. A Sakdjé par exemple, l’établissement sanitaire public exige aux familles la somme de 10 000F + une chèvre avant la production de la Déclaration de Naissance d’un nouveau-né. Les villages de Rey-bouba, de Mayo-galké et Landou sont là où il y aurait le moins de naissances déclarées (46% d’enfants de moins 18 ans de ces villages ne sont pas déclarés). Nous avons répertorié à ce jour 2015 enfants de moins de 18 ans qui n’ont pas d’actes de naissance dans le seul arrondissement de Tcholliré.
Ces enfants non enregistrés sont presque toujours nés dans des familles pauvres, marginalisées ou migrantes. Au lieu d’aller à l’école, des filles, elles-mêmes enfants, deviennent mères. Dans les arrondissements de Tcholliré et de rey-bouba, l’âge nubile moyen des filles est de 14 ans. La pauvreté et le manque d’instruction sont les raisons pour lesquelles l’enfance des filles se termine prématurément dans de nombreux villages de cette partie du Cameroun.
Ces enfants ne peuvent prouver ni leur date de naissance, ni leur nom, ni leur nationalité. Les enfants ne jouissent pas ainsi du privilège d’avoir un acte de naissance qui se trouve être un droit primaire et le plus fondamental : le droit à l’identité. Pour des raisons diverses, la plupart des enfants des arrondissements de Tcholliré et de Rey-bouba passent à l’âge adulte sans jamais avoir un acte de naissance.
Notre association a rencontré les officiers d’état civil des centres spéciaux pour rappeler leurs missions primaires et interpeller les maires, ainsi que les Sous-Préfets sur la nécessité de faciliter les procédures d’obtention des actes de naissances aux parents des enfants nouvellement nés.
Les enfants orphelins brandissant fièrement leurs actes de naissances récemment établis
Face à la carence du niveau d’enregistrement des naissances, il reste l’établissement d’acte de naissance par le jugement supplétif. C’est une procédure qui consiste à saisir le tribunal de premier degré aux fins d’obtention d’un jugement supplétif d’acte de naissance. Ce jugement n’a pas pour effet le changement frauduleux de nom ou de filiation.
Cette procédure s’apparemment à un véritable parcours de combattant. Et la voie qui mène vers l’établissement d’acte de naissance par le truchement de jugement supplétif n’est pas un long fleuve tranquille. Parce que les déclarations de naissance faites hors délais sont sujettes à contentieux. Et c’est là où les choses par se compliquent. La procédure est couteuse, longue et parfois jonchée d’embuches.
Il faut au préalable présenter l’enfant à un médecin qui après consultation, détermine l’âge apparent de l’enfant. Un certificat d’âge apparent est dressé et c’est ce document qui constituera la pièce maîtresse annexée à la requête adressée au président du tribunal de premier degré.
Après le tribunal, il faut repartir à la Mairie de résidence des parents de l’enfant ou de son tuteur pour l’établissement d’acte de naissance.