Comment garder le silence sur un phénomène ignoble qui se développe et qui a tendance à se pérenniser dans le Département du Mayo-Rey ?
La mort du Chef de zone de la SODECOTON par décapitation est effroyable. Une rançon de 20 000 000 fcfa n’aurait pas été payée en contrepartie d’une vie ; celle de M. EGRE BELE.
Le silence des médias et de ceux en charge de la protection des droits fondamentaux nous laisse perplexe.
Dans le département du Mayo-Rey au Nord-Cameroun, l’insécurité semble avoir quitté les routes pour investir les villes et les villages de l’arrondissement de Touboro (unité administrative située à la frontière du Cameroun avec la RCA et le Tchad). Des malfrats de tout poil trouvent désormais leur compte en s’infiltrant de nuit parmi les paisibles populations pour enlever hommes, femmes ou enfants et exiger en retour une forte rançon à leurs proches pour leur libération.
Suite à l’intervention militaire musclée opérée à Touboro contre la valse des enlèvements qui ont eu lieu durant le troisième trimestre de 2016, cette localité a connu une accalmie qui a vite cédée la place à une insécurité grandissante. A l’heure actuelle, il ne se passe presque plus une semaine sans qu’une personne ne soit enlevée à Touboro. Les villages migrants sont ceux qui en paient le plus grand prix. Les enlèvements se sont tellement banalisés qu’il serait fastidieux d’en faire un inventaire exhaustif ici. Cependant, nous nous contenterons de retenir les cas les plus saillants qui ont marqué l’année 2017. En effet, dans la nuit du 08 au 09 mars 2017, le plus grand agriculteur de Mayo-Nda, village situé à une soixantaine de Kilomètres au nord de la ville de Touboro a été enlevé par des malfrats qui ont pris d’assaut le village et tiré sur les populations pendant plus deux heures de temps. Ils ont laissé un numéro de téléphone à son épouse pour négocier la rançon à verser pour sa libération.
Dans la nuit du 09 septembre 2017, des malfrats se sont infiltrés dans le domicile de NGAÏDI à OURO-MASSARA et ce, malgré la présence, quasi-permanente et même en cette nuit, des éléments du BIR dans ce village. Après avoir essayé, mais en vain, de défoncer la porte de la chambre de NGAÏDI, les bandits ont réussi à casser celle de la case de ses ouvriers. Ce n’est qu’au petit matin que le village a appris le rapt la nuit précédente d’un des ouvriers de NGAÏDI. De la brousse où ils se trouvaient, les brigands avaient appelé, au téléphone, le patron pour lui exiger 2.000.000 F CFA en guise de rançon pour la libération de son employé. Au moment de leur remettre cette somme le 20 septembre 2017, les malfrats ont libéré l’ouvrier, puis pris en otage le patron et exigé une rançon de 3.000.000 F CFA pour la libération de ce dernier. Il n’a eu la vie sauve qu’après versement de la somme exigée par les criminels.
D’après les témoignages des villageois, après le rapt de NGAIDI, 04 autres paysans, biens connus de ces tueurs, étaient dans leur collimateur et allaient faire l’objet des enlèvements dans les tout prochains jours si rien de spécial n’était fait pour leur protection.
Le 12 octobre 2017, une quinzaine de malfrats ont fait une irruption dans KADES, autre village de migrants situé au nord de Touboro-Centre, où ils ont enlevé cinq personnes. Les malfrats qui ont demandé une rançon de 35.000.000 fcfa ont remis leur numéro de téléphone pour pouvoir adresser leurs exigences aux proches des otages. Les ravisseurs ont exprimé leur détermination en affichant sur la dépouille d’Idrissa Yaddo, l’un des otages pendus à un arbre le 8 octobre 2017, un ultimatum selon lequel tous les quatre otages seraient tués le week-end qui suivait. Si la rançon exigée ne leur était pas versée. Joseph HAMADJOUMA, lui, a été libéré le 22 octobre 2017 après le paiement par ses proches de 5 000 000 fcfa réclamés par les ravisseurs.
Le 11 novembre 2017, une bande armée a attaqué Yanli, village migrant situé aussi au Nord de Touboro-centre. Cette harde de malfaiteurs a fait irruption au domicile de M. MBASSI, 3ème Adjoint au Maire de Touboro dans l’intention de le kidnapper, mais l’ayant manqué, ils ont procédé à l’enlèvement de trois jeunes gens, tous élève au lycée de Yanli, dont un sera libéré quelques heures plus tard pour faire parvenir leur numéro de téléphone à l’Adjoint au Maire en vue des négociations sur la rançon à payer pour la libération des deux autres jeunes otages. Pendant leur sale opération, un sexagénaire, l’infortuné ADAMA BEIDI, qui a refusé de suivre les ravisseurs en brousse a été, sur-le-champ, passé par les armes. Pourtant alertés à temps, les gendarmes, logés pourtant à quelques encablures du théâtre de l’enlèvement, n’ont pu intervenir malgré les tirs d’arme qui ont secoué le village cette nuit-là. Ce silence et cette inaction des forces de l’ordre affectées pourtant au maintien de la sécurité des populations de ce village ont indigné plus d’un villageois. Au final, les deux élèves ont été libérés et ont repris le chemin de l’école après le versement aux malfaiteurs d’une rondelette somme de 2 000 000 fcfa sur les 10 000 000 fcfa préalablement exigés.
Le 08 décembre 2017, M. EGRE BELE a été pris en otage à Barkari, village situé au sud de Touboro-Centre où il était chef de zone de la SODECOTON. Les malfrats auraient exigé de son employeur une somme de 20 000 000 F CFA pour sa libération. Somme qui n’a pas été donnée aux tueurs qui l’ont finalement abattu le 11 décembre 2017 et sa dépouille a été découverte au petit matin à Ngoumi, village situé à une vingtaine de Kilomètre sur l’axe Touboro-Ngaoundéré, bien loin de Barkari le lieu de son arrestation.
Ce phénomène d’enlèvements impose quelques conclusions. D’abord, les enlèvements se font de nuit en tirant sans doute avantage de la complicité des indics bien renseignés vivant parmi les populations ou même originaires des villages victimes des enlèvements. Ensuite, les rançons s’évaluent en termes de millions, exigées aux otages ou à leurs proches dont les malfrats semblent maîtriser la situation financière. Ils procèdent par la décapitation, la pendaison ou la fusillade des otages pour terroriser leurs populations et garantir le paiement des sommes réclamées. Les bandits, selon le témoignage des otages libérés, sont bien armés, organisés, bien ravitaillés en vivres, informés et constitués en bandes de 50 à 60 personnes, en libre divagation dans la nature. Enfin, le rôle néfaste joué par le téléphone portable mérite d’être relevé. Si ses utilisateurs étaient identifiés, cela aiderait les services de sécurité à mettre plus facilement la main sur les preneurs d’otages. Mais, hélas!