Les incohérences du Délégué du Gouvernement auprès de la Communauté Urbaine de Garoua
Nous reprenons ici les morceaux choisis d’une interview de M. AHMADOU BOUBA, Délégué du Gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Garoua. Une interview réalisée le 15 février 2018 avec la presse. Nous tenons à restaurer la vérité pour que nous ayons tous le même niveau d’information. Â
M. Ahmadou Bouba :
« Ces opérations auraient dû être faites depuis les années 90. Roumde-Adjia, c’est à la base un quartier qui a reçu les sinistrés des inondations de 1988. C’est un domaine privé de l’Etat. Mais un certain laxisme a permis que des gens s’incrustent, alors que l’Etat avait mis à la disposition de la commune des centaines d’hectares pour les recaser. Ce site a été loti au quartier Poukloukou (carrefour 8) et distribué à tous ces sinistrés, lesquels s’étaient engagés à quitter le site de Roumde-Adjia une fois qu’ils auraient construit ».
Réactions :
Quand on le lit, on a l’impression que le quartier Roumdé-Adjia a vu le jour en 1988 avec l’arrivée des sinistrés. M. Ahmadou BOUBA fait semblant d’ignorer que le quartier Roumdé-Adjia accueille ses premiers habitants avant l’avènement du Cameroun indépendant.
Il dit que les sinistrés ont été recasés au quartier Poukloukou. Quel est le statut juridique de ce nouveau site ? Est-ce la propriété de la Communauté Urbaine de Garoua ? La Communauté urbaine a-t-elle cédé la propriété foncière de ce site aux sinistrés ? Nous avons constaté qu’il n’existe aucun titre foncier cédé aux sinistrés de 1988 sur ce site de Poukloukou.Â
M. Ahmadou BOUBA parle uniquement de la centaine de sinistrés de 1988 que la communauté aurait « recasé ». Mais il ne parle pas des 20 milles autres personnes qui vivent sur le quartier de Roumdé-Adjia depuis des décennies. A-t-il aussi « recasé » ces personnes qui se comptent par millier ?
M. Ahmadou BOUBA fait un mélange de genres. Il fait feu de tout bois pour soutenir l’incohérence de son point de vue qui ne s’adosse sur aucun texte de droit, sauf su l’abus d’autorité.
Nous l’invitons à lire l’article 09 du décret n° 76-165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d’obtention du titre foncier, modifié et complété par le décret n° 2005/481 du 16 décembre 2005.
M. Ahmadou BOUBAÂ :
« En 2015, un ministre de la République est venu à Garoua, on a fait le tour et identifié les différentes routes qui mènent au stade. C’était toutes des pistes de quartier. Le ministre a pensé qu’il faut non seulement des routes dignes des hôtes de marque qui viendront voir les matchs, mais qui donnent un visage attrayant à la ville. Depuis 2016 au moins donc, tout le monde a été sensibilisé. Il n’y a pas d’autre route menant au stade ».
Réactions :
Sauf si M. Ahmadou BOUBA ne connait pas l’histoire de l’évolution de la ville de Garoua, mais il est prudent de restituer toute la vérité.
Il faut remettre le stade dans son contexte à sa création en 1978. La route bitumée qui dessert l’hôtel Bénoué, la Direction générale de la SODECOTON, était aussi celle-là qui desservait le stade omnisports de Garoua à sa création. Les plus riches, intouchables (proches des décideurs) ont acheté partout et construit le long des entrées principales du stade (CENAJES et Lycée bilingue). Ils ont occupé ces lieux qui étaient antérieurement réservé aux parkings et aux accès du stade.Â
Pourquoi n’avez-vous pas fait de ces espaces (parkings et accès) qui étaient réservés au stade à sa création en 1978, un domaine privé de l’Etat ? Pourquoi tenez vous absolument à tronquer la vérité pour protéger les plus riches ?
M. Ahmadou BOUBAÂ :
Il existe un seul titre foncier sur ce site, celui d’une boulangerie.
Réactions :
Nous avons du mal à comprendre ce raisonnement. M. Ahmadou BOUBA déclare que le quartier Roumdé-Adjia est un domaine privé de l’Etat et il dit en même temps qu’il existe un seul titre foncier sur ce site. On se demande est ce qu’il connait le droit foncier camerounais ? L’incorporation du quartier Roumdé-adjia dans le domaine privé de l’Etat s’est passée à quel moment ? Aucun habitant de Roumdé-Adjia n’était au courant de cette éventuelle procédure. La procédure d’incorporation exige que le domaine soit déclaré d’utilité publique par un acte du Gouvernement.
Mais avant d’y arriver, le Préfet devra descendre sur le terrain pour vérifier la mise en valeur ou encore s’il s’agirait des terres sans maîtres. Les populations n’ont jamais été sollicitées pour une telle procédure.
La vraie curiosité dans la déclaration de M. Ahmadou BOUBA est la suivante : On se demande bien par quelle alchimie l’unique particulier a pu avoir un titre foncier sur un domaine privé de l’Etat alors même que beaucoup de personnes ont tenté d’obtenir sans succès un titre sur leurs parcelles pourtant mises en valeur avant 1974 ?
Il y a bien quelque chose qui cloche. Il y aurait des vérités qui seraient recouvertes d’un épais manteau de non-dits.Â
Ci-dessus les copies de quelques cartes d'impositions des premiers habitants du quartier Roumdé-Adjia. C'est la preuve que les gens ont habité le quartier de manière continue, paisible et non équivoque depuis 1943.Â
In fine :
Ce que nous savons, le quartier Roumdé-Adjia est constitué majoritairement de chrétiens et de quelques animistes. Les habitants de ce quartier se sentent « persécutés » par les islamo-peulhs de la ville qui occupent les postes de décisions et se réunissent dans les mosquées et certains salons feutrés pour décider du sort des habitants de Roumdé-Adjia. Les populations de Roumdé-Adjia sont taxées de « Kéféro » ou de mécréants (en français facile). Le site de Roumdé-Adjia déguise des appétits et les islamo-peulhs veulent faire main basse sur le quartier des chrétiens et animistes pour les repousser vers les périphéries de la ville de Garoua.
Ce sentiment de rejet de la part des décideurs islamo-peulhs de Garoua tarote dans tous les esprits des hommes, femmes et enfants du quartier Roumdé-Adjia. Les islamo-peulhs de Garoua contrôlent le marché central (l’économie locale) et ils envisagent de contrôler l’ensemble des pouvoirs de décisions dans la sphère politico-administrative de la Région. Ils sont presque partout et on les retrouve majoritairement dans les conciliabules. Généralement c’est la fibre religieuse qui l’emporte sur le bon sens et au mépris des règles élémentaires du vivre ensemble.
Ces éléments sociologiques sont importants à prendre en compte quand on veut comprendre les enjeux qui se trament autour du site du quartier Roumdé-Adjia.
A Garoua, la prudence s’impose d’elle-même. Ne jamais s’empresser à prendre une décision. Il y a de risques non négligeables pour se tromper. Parce que la vérité est souvent sélective et elle n’est pas toujours la chose la mieux partagée. Une vérité presque toujours variable, très peu constante et beaucoup plus versatile.Â
Le Président de la République de France, M. Emmanuel MACRON disait devant la 72ème Assemblée générale des Nations-Unies : « Ne pas écouter la voix des opprimés et des victimes, c’est laisser leur malheur grandir, prospérer, jusqu’au jour où il nous frappera tous ».
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Cécile AMINA
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